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Cholestérol et œufs : où en est vraiment la science en 2025 ?

  • Photo du rédacteur: Dr Nicolas Dedieu
    Dr Nicolas Dedieu
  • il y a 52 minutes
  • 6 min de lecture


À retenir en 30 secondes


  1. L’œuf n’est pas “le problème” en soi : l’effet du cholestérol alimentaire sur le LDL existe, mais il est souvent modeste et surtout très dépendant du contexte (graisses saturées, fibres, ultra-transformés, activité physique).

  2. Nous ne réagissons pas tous pareil : une minorité (environ 15–25 %) répond plus fortement au cholestérol alimentaire.

  3. La cuisson compte : à haute température (friture), on augmente davantage l’oxydation lipidique que lors de cuissons douces (mollet, poché, coque).

  4. Chez les profils à risque, ApoB (ou à défaut non-HDL-C) aide à mieux estimer le risque que le LDL-C seul.


Mini-lexique pour comprendre sans se perdre


  • LDL-C : quantité de cholestérol transportée par les particules LDL. Souvent appelé “mauvais cholestérol” (raccourci imparfait).

  • HDL-C : cholestérol transporté par les particules HDL (“bon cholestérol”, là aussi raccourci).

  • Non-HDL-C : tout le cholestérol porté par les particules athérogènes (LDL + VLDL + remnants).

  • ApoB : le nombre de particules athérogènes. Chaque particule LDL/VLDL/IDL contient une ApoB : c’est un marqueur très utile quand les triglycérides sont élevés ou en cas d’insulinorésistance.

  • Ultra-transformés : aliments industriels très modifiés (nombreux additifs, matrices altérées), souvent pauvres en fibres et denses en calories.


Cholestérol et oeufs

Cholestérol alimentaire et cholestérol sanguin : une régulation complexe


Un œuf moyen (50–60 g) apporte généralement ~180 à 215 mg de cholestérol, concentré dans le jaune. Pendant longtemps, on a supposé un lien quasi mécanique entre cholestérol alimentaire et LDL sanguin.


Or l’organisme régule en permanence :

  • l’absorption intestinale (notamment via la protéine NPC1L1),

  • la synthèse hépatique (production endogène),

  • le recyclage biliaire.


Ce système d’“autorégulation” explique pourquoi l’impact d’un même apport alimentaire varie d’une personne à l’autre.

En 2015, les Dietary Guidelines for Americans ont retiré la limite historique de 300 mg/j de cholestérol alimentaire. Mais attention : cela ne voulait pas dire “aucune limite”. L’approche a surtout basculé vers les patterns alimentaires (qualité globale du régime) et, dans plusieurs documents de référence, vers l’idée pragmatique de garder le cholestérol alimentaire aussi bas que possible sans compromettre l’adéquation nutritionnelle.


En 2020, l’American Heart Association (AHA) a synthétisé le sujet : le cholestérol alimentaire peut augmenter le LDL-C, mais l’effet est souvent plus faible que celui des graisses saturées, et il dépend fortement des substitutions et du contexte global.


Conclusion pratique : la question n’est pas seulement “combien d’œufs ?”, mais “avec quoi ?” et “dans quel mode de vie ?”.


Hyper-répondeurs : pourquoi l’œuf augmente plus le LDL chez certains


Combien de personnes ?


On estime qu’environ 15 à 25 % des individus ont une réponse lipidique plus marquée au cholestérol alimentaire (selon les définitions et protocoles). Chez eux, une hausse notable du LDL-C peut apparaître lorsqu’on augmente fortement les apports en cholestérol alimentaire.


Pourquoi ?


Trois mécanismes sont fréquemment évoqués :


  1. Absorption intestinale

Le transporteur NPC1L1 joue un rôle central. Les données génétiques sont très parlantes : certaines mutations “perte de fonction” de NPC1L1 sont associées à un LDL plus bas et à une réduction du risque cardiovasculaire. Important : c’est une preuve de mécanisme (effet “à vie” d’un variant), pas un essai “œufs” et pas une promesse qu’un changement alimentaire reproduit ces chiffres à l’identique.


  1. Compensation hépatique insuffisante

Normalement, si les apports augmentent, le foie diminue une partie de sa production endogène. Cette compensation n’a pas la même efficacité chez tous.


  1. Métabolisme des lipoprotéines

La clairance du LDL via les récepteurs hépatiques varie. Dans l’hypercholestérolémie familiale, la question n’est plus “l’œuf oui/non” mais la capacité biologique à gérer les particules athérogènes.


Le point souvent oublié


Chez plusieurs hyper-répondeurs, LDL-C et HDL-C montent ensemble, et le ratio LDL/HDL ne se dégrade pas systématiquement. D’où l’intérêt, dans une démarche moderne, de regarder aussi non-HDL-C ou ApoB, surtout si le contexte métabolique est défavorable (triglycérides élevés, insulinorésistance, syndrome métabolique).


Que disent les grandes études ? Une littérature contrastée… mais logique


Les études observationnelles en nutrition aboutissent parfois à des résultats divergents. Ce n’est pas forcément contradictoire : cela reflète souvent la différence entre les œufs dans un pattern “occidental” et les œufs dans un pattern “méditerranéen/nordique”.


Synthèses nordiques


La revue associée aux Nordic Nutrition Recommendations 2023 conclut qu’un œuf par jour peut s’intégrer dans une alimentation de qualité sans signal clair d’augmentation du risque cardiovasculaire pour la plupart des adultes, tout en rappelant que les données au-delà d’1 œuf/j sont plus limitées et que certains essais montrent une hausse du LDL-C.


Deux exemples emblématiques d’observationnel

  • Une analyse (BMJ 2020, Drouin-Chartier et al.) retrouve, dans de grandes cohortes, pas d’augmentation claire du risque cardiovasculaire pour une consommation modérée (jusqu’à ~1 œuf/j dans les analyses).

  • Une autre (Circulation 2022, Zhao et al.) rapporte une association positive entre consommation d’œufs/cholestérol alimentaire et mortalité.


La bonne lecture

La clé est presque toujours le pattern et le biais de contexte : dans certains environnements, “manger des œufs” signifie aussi plus de charcuteries, plus de fritures, moins de fibres, plus d’ultra-transformés. Dans d’autres, cela signifie œufs + légumes + huile d’olive + pain complet.


Message central : on ne juge pas l’œuf isolément. On juge le système alimentaire qui l’entoure.


Mode de cuisson : un détail qui compte vraiment


Au-delà du LDL-C, la cuisson influence l’oxydation lipidique. Des données expérimentales montrent que les œufs frits contiennent davantage de marqueurs d’oxydation (dont MDA) et de produits d’oxydation du cholestérol que les œufs bouillis.


Une hiérarchie simple :


  1. Coque / mollet / poché : très bon compromis (cuisson douce)

  2. Brouillés/omelette à feu doux : correct si matière grasse de qualité et cuisson courte

  3. Dur : ok, même si le jaune peut verdir (phénomène inoffensif)

  4. Frit / sur le plat très chaud : à limiter si c’est la modalité dominante


Astuce utile : associer l’œuf à des légumes (épinards, tomates, brocoli) et à des graisses insaturées (huile d’olive) renforce le “pattern favorable”.


Combien d’œufs consommer ? Une stratégie par profil


L’objectif n’est pas de “compter” mais d’individualiser.


Profil 1 : adulte sans facteur de risque majeur


Si la biologie est rassurante et l’alimentation globalement de qualité, 5 à 7 œufs/semaine (jusqu’à 1/j) est généralement compatible avec les synthèses actuelles.


Profil 2 : risque intermédiaire


Si LDL-C est plus élevé ou si le contexte métabolique est borderline, la stratégie la plus intelligente est un test de tolérance :

  • garder une consommation raisonnable et stable sur 6–8 semaines,

  • recontrôler lipidogramme + ApoB (ou non-HDL-C),

  • ajuster si ApoB/non-HDL-C monte nettement.


Profil 3 : haut risque ou hypercholestérolémie familiale


Ici, la priorité est l’atteinte des cibles thérapeutiques. Selon la situation, on peut limiter le nombre de jaunes (par exemple 2–3/semaine) tout en utilisant les blancs (protéines sans cholestérol). Mais surtout : on renforce les leviers à fort impact (graisses saturées, fibres solubles, poids, activité, traitement si indiqué).


Conclusion


En 2025, la position la plus solide est simple :


  • L’œuf n’est pas un poison universel : chez la majorité des adultes, dans un pattern alimentaire favorable, il peut s’intégrer sans signal clair de risque.

  • Il existe une variabilité réelle : une minorité réagit davantage, d’où l’intérêt d’une approche personnalisée.

  • Le marqueur à moderniser : chez les profils à risque, ApoB (ou non-HDL-C) complète utilement le LDL-C.

  • La cuisson et le contexte font la différence : œuf poché + légumes ≠ œuf frit + bacon.

Ceci est une information à visée éducative et ne remplace pas un avis médical personnalisé, notamment en cas d’antécédent cardiovasculaire, d’hypercholestérolémie familiale, de diabète, ou de traitement hypolipémiant.

Sources clés


  • Carson JAS et al. Dietary Cholesterol and Cardiovascular Risk: A Science Advisory From the American Heart Association. Circulation. 2020;141(3):e39–e53. doi:10.1161/CIR.0000000000000743

  • Nordic Nutrition Recommendations 2023 (Norden). + Virtanen JK et al. Eggs – a scoping review for Nordic Nutrition Recommendations 2023. Food & Nutrition Research. 2024;68.

  • Drouin-Chartier J-P et al. Egg consumption and risk of cardiovascular disease. BMJ. 2020;368:m513. doi:10.1136/bmj.m513

  • Zhao B et al. Associations of Dietary Cholesterol and Egg Consumption With Mortality: Systematic Review and Updated Meta-analysis. Circulation. 2022;145(21):1506–1523. doi:10.1161/CIRCULATIONAHA.121.057642

  • Myocardial Infarction Genetics Consortium. Inactivating Mutations in NPC1L1 and Protection from Coronary Heart Disease. N Engl J Med. 2014;371:2072–2082. doi:10.1056/NEJMoa1405386

  • Evenepoel P et al. Digestibility of cooked and raw egg protein in humans: study in ileostomy patients. J Nutr. 1998;128(10):1716–1722.

  • Ren Y et al. Données expérimentales sur oxydation (MDA/COPs) selon mode de cuisson des œufs. J Agric Food Chem. 2013. (référence technique, utile surtout pour l’argument “cuisson douce”.)

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